La petite coopérative qui veut en finir avec la grande distribution

Source : Campagnes Solidaires, par Benoit Ducasse, mis en ligne le 22 mai 2014

La coopérative alimentaire de la Goutte d’Or a ouvert boutique fin janvier dans le nord de Paris. Avec un objectif clair : « Agir plutôt que subir, et créer une vraie alternative à la grande distribution ! »


Au cœur d’un des derniers quartiers populaires de Paris, dans le XVIIIème arrondissement, un simple local de 30 mètres carrés abrite une grande ambition : « tuer la grande distribution » ! Ce sont les termes de Christophe Pradal, mi rigolard mais très déterminé, l’un des animateurs de la coopérative alimentaire de la Goutte d’Or, 38 rue Myrha, ouverte depuis le 28 janvier.

Au départ, Christophe anime une Amap dans le quartier, mais bien vite lui vient l’envie de construire des partenariats pour d’autres types de produits que les légumes. De faire les choses en plus grand. De « sortir de la micro-économie ». L’ancien concept des coopératives de consommations ouvrières du XIXème siècle est retravaillé par un groupe motivé d’une vingtaine de personnes.

Durant trois ans, l’idée chemine, évolue, des divergences apparaissent entre ses promoteurs dont certains partent construire selon d’autres méthodes des systèmes coopératifs plus ou moins proches (1).

Le projet initial finit par aboutir, fidèle à son principe de départ, associant dans un premier temps des consommateurs, réfléchissant à l’implication des producteurs-fournisseurs et à l’évolution en société coopérative d’intérêt collectif (scic) permettant d’associer les divers acteurs avec des tiers telles des collectivités territoriales.

Le statut est pour l’instant celui d’une association loi 1901. Le petit local loué sous bail précaire appartient à la mairie d’arrondissement qui a promis un lieu deux fois plus vaste pour l’automne prochain, ce qui permettra d’entreposer quelques caisses dans une réserve, à ce jour inexistante mais dont le besoin se fait déjà sentir.

Car dès le départ, le succès au rendez-vous : plus de 200 adhérents début mars, s’acquittant de 20 euros de cotisation annuelle. « Des gens de tous âges et conditions, habitant un quartier dépourvu sur plusieurs rues de commerces de proximité, hors enseignes de la grande distribution », précise Christophe Pradal.

Adhérer, ce n’est pas seulement pouvoir acheter, c’est aussi s’engager à tenir une permanence à la boutique durant une demi-journée par semestre. Le temps d’ouverture hebdomadaire augmentera en fonction du nombre des coopérateurs : pour l’instant, le rideau est levé entre deux heures et quart et trois heures, trois jours par semaine.

Sur les étagères, on ne trouve pas encore de tout, mais la gamme au démarrage permet de faire une bonne partie de ses courses. Une trentaine de producteurs fournissent aujourd’hui plus de deux cents références, bio à 80 %. Le réseau se construit là aussi petit à petit, à base de connaissances, partant des amaps, des parents, des amis... On mutualise certains besoins, notamment le transport : tel paysan de telle région viendra livrer ses produits, mais aussi celui de ses amis du voisinage ou sur la route de Paris.

Le premier inventaire pourrait être signé par Prévert : des légumes secs et des soupes de Poitou-Charentes, des œufs, de la crème de marron, de la farine, des fromages, des pâtés, du miel, du cidre, de la bière, de l’huile d’olive de Grèce livrée par la compagne du producteur dont la famille vit à Bagnolet, quelques viandes...

Le principe est celui de l’achat-revente, avec une petite commission de 15 % en moyenne pour faire tourner la boutique qui, à l’instar des autres commerces alimentaires, a été inscrit auprès des services vétérinaires pour pouvoir développer la vente de produits frais et périssables.

Le but est de vendre moins cher que les magasins bio, un système solidaire est à l’étude afin de mutualiser l’accès aux produits de qualité entre revenus disparates. Une charte précise la démarche globale.

L’affaire est désormais lancée, l’avenir ouvert. Christophe Pradal espère pouvoir atteindre les 800 à 900 coopérateurs. Et que d’autres coopératives de ce type se lancent et prospèrent à leur tour à Paris et ailleurs. Car il faudra sans doute un peu de temps et être bien plus nombreux pour en finir avec les grandes enseignes de la distribution...


Note

1- Deux projets existent dans le même arrondissement de Paris. L’un est abouti : celui de la coopérative « alimentaire, sociale et solidaire », l’Indépendante ; l’autre est encore en préparation : le « supermarché collaboratif », porté par la coopérative la Louve, devrait ouvrir en 2015.

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