La lacto-fermentation : Faites vos conserves

Du miel et du sel, mis en ligne le 5 octobre 2013.

Des légumes en bocaux faits maison, qui se conservent un an et plus, sans stérilisation, sans congélation, c'est possible ? Qui ont autant de vitamines, si ce n'est plus, que les légumes frais... Oui, c'est possible et c'est même très bon. Non ce n'est pas une galéjade, ni une arnaque, ni une fanfaronnade, c'est même un procédé connu depuis au moins dix mille ans : la lacto-fermentation.

lacto-fermentation-1.jpgComment est-ce possible ?
La lacto-fermentation est un procédé de conservation utilisé depuis le néolithique, excusez du peu, et qui consiste à laisser macérer les aliments avec du sel, ou bien les plonger dans une saumure, en l'absence d'air. Il se produit alors une fermentation, c'est à dire une activité microbienne qui va secréter des substances, entre autres de l'acide lactique, du gaz carbonique et divers enzymes. Dès le départ, Leuconostoc mesenteroides commence  à travailler, puis d'autres bactéries lactiques, comme par exemple Lactobacillus plantarum et Lactobacillus cucumeris, prennent le relais. L'acide lactique produit inhibe complètement tous les micro organismes susceptibles de provoquer la putréfaction. Au bout d'un moment, la teneur en acide atteint un certain niveau, le milieu s'équilibre, et la fermentation s'arrête d'elle-même. A ce stade, la conservation peut durer plusieurs années, même à température ambiante.

Des aliments délicieux, économiques et aussi très bons pour la santé
Non seulement ce mode de préparation préserve les vitamines et les éléments nutritifs des aliments, mais il en augmente même la teneur, surtout pour les vitamines du groupe B, PP et K. La fermentation améliore la digestibilité des produits et leur assimilation par notre organisme. Elle diminue la teneur en nitrates des légumes. Elle dégrade en partie les pesticides qui peuvent être présents dans les végétaux. Elle crée aussi des substances antibiotiques qui luttent contre les microbes pathogènes.

On cite toujours l'exemple des marins du capitaine Cook qui, pendant un an de voyage, furent exempt du scorbut grâce aux tonneaux de choucroute embarqués à bord. Les bactéries lactiques sont très bénéfiques pour notre organisme : ce sont les fameux "pro-biotiques" que les laboratoires pharmaceutiques et l'agro-industrie vous vendent à prix d'or soit en gélules ou sous forme de lait épaissi et sucré dans des pots en plastique. Alors arrêtez l'actimachin et le bifidotruc, mangez tout simplement des aliments lacto-fermentés, non seulement vous vous régalerez, vous ferez des économies, et vous passerez l'hiver aussi bien, sinon mieux car vous aurez évité de vous gaver de sucre et d'arômes artificiels dont ces produits industriels sont truffés !

Quels sont ces aliments ?
La choucroute est lacto-fermentée, les cornichons dits "malossols" le sont aussi, ainsi que les pickles : olives, câpres... Le terme anglais pickle par lequel on les désigne vient du néerlandais pekel, qui signifie  "saumure". Les achards indiens, les encurtidos espagnols, le kimchi coréen et les tsukemonos japonais sont des lacto-fermentations. Aujourd'hui, pour aller plus vite, on fabrique la plupart des pickles et des cornichons au vinaigre, mais autrefois, c'était la lacto-fermentation qui leur donnait leur si délicieuse acidité, pas le vinaigre (qui est, au passage, aussi un produit fermenté). De même la fameuse soupe polonaise ou russe appelée bortsch, à la saveur aigre-douce, dans la quelle on met des betteraves et du vinaigre, était autrefois à base de betteraves lacto-fermentées, et on n'avait donc pas besoin de rajouter le vinaigre pour donner l'acidité.

La viande salée en saumure, comme le jambon, lard, kassler et autres palettes demi-sel sont également des lacto-fermentations. C'est aussi la fermentation lactique qui produit les sauces de poissons de type nuoc mam, les anchois au sel, le saumon fumé (qui est salé avant d'être fumé) le caviar, la poutargue et les harengs saurs...

On peut lacto-fermenter n'importe quel légume : le chou et les cornichons, évidemment, mais aussi les haricots verts, les carottes, les poivrons, les tomates, les courges et courgettes, les aubergines, les concombres, les navets, les radis, le céleri, les herbes aromatiques ; mais aussi des fruits : le melon comme en Turquie, les prunes comme au Japon, les cerises en Europe centrale, les pommes et les poires... enfin pratiquement tous les végétaux comestibles. C'est très facile à faire, ça ne demande aucune énergie : pas besoin de chauffer pour stériliser, pas besoin de frigo ou de congélateur. Il faut juste avoir du sel et un récipient propre.

Est-ce dangereux ?
On peut rater des conserves appertisées, et c'est même très dangereux, voire mortel si la toxine botulique fait son apparition. Un aliment congelé peut aussi devenir dangereux si le congélateur tombe en panne et repart inopinément. Mais la lacto-fermentation est absolument sûre à 100 % ! On ne connait pas un seul cas au monde, présent ou passé, de maladie ou de décès dû à l'absorption d'un aliment lacto-fermenté. C'est facile : si jamais la fermentation ne se passait pas correctement, ou si elle n'avait pas lieu, l'aliment prendrait alors une couleur bizarre, un aspect immonde et surtout une odeur et une saveur absolument repoussantes, ce qui fait qu'aucun être humain n'aurait l'idée de le manger. Il n'est pas possible de se tromper.

Donc je résume : teneur en éléments nutritifs augmentée, sécurité alimentaire absolue, aucun besoin d'énergie pour le mettre en œuvre. Vous en connaissez beaucoup, des moyens de conservation qui en font autant ? Ni l'appertisation, ni la congélation ne peuvent rivaliser avec ça. Non seulement ça n'a jamais empoisonné personne, mais en plus ça a sauvé des populations de la maladie et de la famine.

Il faut habiter à la campagne ?
Autrefois on faisait les conserves lacto-fermentées dans de grandes jarres, qu'on gardait à la cave pour tout l'hiver. On prélevait au fur et à mesure les quantités dont on avait besoin. Aujourd'hui, les conditions de vie ont changé, et si on habite en ville dans un appartement, on peut très bien les faire dans des bocaux en verre à fermeture mécanique et à joint caoutchouc, type LeParfait. Au lieu de prélever dans une grande jarre, on ouvre un bocal quand on en a besoin. C'est d'une réalisation tellement enfantine que je me demande bien pourquoi cela a disparu.

Comment on fait ?
lacto-fermentation-2.jpgIl faut avoir des bocaux, des légumes frais, du sel, de l'eau et... environ 15 minutes. Vous pensez pourvoir réunir tout ça ? Alors je vous explique tout en détail !

Je vous propose de commencer par le plus classique : la famille choucroute, et ses variantes : le chou-rave, "suereruewe"  en alsacien, mais aussi le kimchi coréen à base de chou chinois, et d'autres légumes, carottes, betteraves rouges, que l'on râpe et prépare de la même façon.

La choucroute se fait traditionnellement dans des jarres en grès, munies d'un couvercle à joint d'eau afin que l'air ne puisse pas entrer à l'intérieur. On place une pierre sur le chou pour qu’il soit toujours immergé dans sa saumure, toujours à l'abri de l'air donc. Lorsqu'on veut prendre une portion de choucroute, on le fait, puis on replace la pierre et le couvercle à joint d'eau. Système pas pratique quand on n'a pas de cave où entreposer les jarres ! Mais on peut aussi utiliser des bocaux à fermeture à joint de caoutchouc LeParfait. Ils sont d'un plus petit volume : le gaz de fermentation suffit à chasser le peu d'air emprisonné sous le couvercle quand on ferme le bocal. La fermentation a bien lieu en anaérobie, et c'est aussi sûr qu'en jarre de grès. Contrairement à ce que vous pourrez lire ça et là, il est complètement inutile d'entreposer les bocaux à l'abri de la lumière, ça n'a aucune incidence sur la fermentation.

La choucroute
Pour traiter 1 kilo de chou blanc, il vous faut :
2 bocaux de 3/4 de litre de contenance (chaque bocal fera une portion de choucroute pour 2 personnes)
2 cuil. à soupe de baies de genièvre
2 cuil. à soupe de graines de carvi
10 g de sel exactement par kilo net de chou

Une variante usitée surtout dans les pays de l'est de l'Europe est d'intercaler quelques lamelles de pomme entre les couches de chou : cela va atténuer un peu l'acidité, et le sucre joue aussi le rôle de starter pour la fermentation. Si vous le faites, comptez 1 à 2 pommes pour 1 kilo de chou.

Les bocaux : lavez-les avant, le plus simple est de les passer au lave-vaisselle, laissez-les en attente sur un torchon propre.

Le chou : ne le rincez pas, ou alors seulement s'il est vraiment très sale, plein de terre. Éliminez les feuilles du tour qui sont abîmées. Gardez 2 grandes feuilles intactes (1 par bocal). Coupez le chou en 4 et retirez le trognon central. Émincez très finement le chou, pour ce faire en Alsace on utilise un rabot à choucroute, mais une simple mandoline de cuisine suffit, en réglant la lame au plus fin. Ou alors faites-le au couteau, mais prenez soin de faire des lanières bien fines. 

selLe sel : utilisez du sel gris de mer, non traité et sans additifs. On en trouve facilement dans les grandes surfaces, souvent en sachet de plastique, placés tout en bas des rayons, on dirait qu'ils ne veulent pas qu'on les achète. Attention : certains sels (La Baleine et autres sels industriels) contiennent des anti-agglomérants E 536, qui ne sont pas toxiques à priori, mais qui se décomposent en milieu acide, et ils donnent un goût bizarre de rance ou de vieux tabac froid aux conserves. Vérifiez sur le paquet qu'il n'y a rien d'autre que du sel !

Pesez vos lanières de chou et préparez 10 g de sel par kilo. Si vous voulez faire 2 bocaux de 500 g, séparez le sel et le chou en 2 portions dès le départ, pour ne pas se retrouver avec un bocal plus salé que l'autre.

Mettez une couche de 2-3 cm de lanières de chou dans le fond du bocal, et tassez fortement avec la main (propre est-il besoin de le dire). Le but est de chasser toutes les bulles d'air qui peuvent rester coincées sous le chou. Et de plus ça exprime le jus. Ajoutez du sel, des baies de genièvre et du cumin, des lamelles de pomme éventuellement, remettez 3 cm de chou, tassez encore, et ainsi de suite jusqu'à 2 cm en dessous du niveau de l'ouverture. Tassez jusqu'à ce que le jus sorte du légume. Si vous n'avez pas mis entre les couches tout le sel correspondant à la quantité, ajoutez-le à la fin. Terminez en recouvrant avec une feuille entière de chou.

Fermez hermétiquement le bocal, avec son caoutchouc. Posez-le sur une assiette, car si vous avez trop rempli le bocal, il se peut que cela déborde lorsque la fermentation va commencer. Gardez-le à température ambiante pendant 1 semaine.

Au bout de quelques heures, le chou va libérer son eau, et le bocal va se remplir de liquide. Après 1 jour ou 2, vous allez constater une effervescence, ça va faire des bulles et même cela peut chuinter ou siffler autour de l'ouverture. Ce n'est pas le chou qui se plaint, c'est le gaz carbonique produit par la fermentation qui chasse l'air situé entre le niveau du liquide et le couvercle : ainsi l'air extérieur ne pourra plus entrer dans le bocal : la fermentation pourra se dérouler en parfaite anaérobie comme il se doit. 

Si un débordement se produit, contentez vous de vider le liquide de l'assiette, et essuyez le bocal, ne l'ouvrez surtout pas !

Après la première semaine, mettez le bocal au frais, soit au réfrigérateur, soit dans une pièce fraîche (15-17 °C suffisent). N'oublions pas que cela a été inventé à une époque où les frigos n'existaient pas, c'est donc un mode de conservation qui se passe très bien de frigidaire, du moment qu'on n'entrepose pas les bocaux dans des pièces surchauffées !  La fermentation totale dure environ 3 à 6 semaines. (Plus c'est au froid, plus c'est long). Après ce délai, on peut déguster la choucroute. 

La choucroute peut se manger chaude, mais c'est également délicieux froid en salade. Et non, il n'y a pas besoin de la dessaler dans de l'eau, vous perdriez une grande partie des vitamines !  Égouttez-la simplement avant de l'utiliser, et ne resalez pas le plat, ou au moins goûtez avant de saler !

Le chou-rave
Le principe est le même que pour le chou : pour 1 kilo de chou-rave, comptez 10 grammes de sel et 1 cuil. à soupe de graines de moutarde.

Épluchez le chou-rave et râpez-le, ou bien taillez-le en très fine julienne avec une mandoline. Remplissez les bocaux avec le chou-rave, appuyez fortement avec la main afin de chasser tout l'air, intercalez le sel et les graines de moutarde. Fermez les bocaux. Laissez fermenter 1 semaine à température ambiante, puis mettez au frais.

Le chou rave lacto-fermenté est très délicat en salade. On peut mettre d'autres aromates, mais les graines de moutarde lui conviennent bien.

 

Le kimchi
Le kimchi est en quelle que sorte la choucroute coréenne : c'est du chou chinois fermenté avec du piment, du gingembre, de la sauce de poissons et d'autres aromates. Le kimchi est présent  comme accompagnement à chaque repas sur les tables coréennes. Cet aliment a une grande importance à la fois gastronomique et culturelle dans le Pays du Matin Calme. Je vous laisse aller le découvrir sur le blog de mon amie Luna, en cliquant ICI.

Mais aussi : les carottes, les betteraves rouges, le céleri, les navets, le radis blanc ou noir...
Ces légumes se préparent de la même façon que le chou-rave : on les râpe, on les met dans le bocal en tassant bien, en intercalant du sel, toujours 10 grammes par kilo de légumes, et des aromates. Si, et seulement si, les légumes n'étaient pas assez aqueux, et que, après 24 heures, le liquide ne les recouvre pas (il doit arriver au moins à leur hauteur), ouvrez le bocal et ajoutez un peu d'eau bouillie et refroidie, mais pas plus haut que le niveau des légumes. Ça peut arriver pour les carottes ou les betteraves.

A vous d'inventer des mélanges et de mettre les aromates que vous aimez : fines herbes, ail, poireau, ciboule, persil, coriandre, estragon, basilic, bâton de cannelle, girofle, genièvre... 

Lorsque vous accommoderez des salades avec ces légumes, attention, ne rajoutez pas de sel et il ne sera peut-être pas non plus nécessaire de rajouter du vinaigre, goûtez, c'est vous qui verrez. L'acidité de la fermentation peut suffire. Ajoutez un filet d'une très bonne huile d'olive, et ce sera très bien.

Je vous rappelle qu'avec ce système de conserve, contrairement à la stérilisation par appertisation, le risque d'apparition de la toxine botulique est égal à zéro. En effet, Clostridium botulinum ne peut se développer dans ce milieu acidifié à l'acide lactique. Si jamais, pour quelque raison obscure, la fermentation lactique n'avait pas eu lieu, vous vous en apercevriez tout de suite à l'odeur épouvantable, (mais alors vraiment épouvantable, pas de risque de confondre !) se dégageant du pot à l'ouverture et croyez moi, personne n'aurait l'idée d'en manger le contenu.

Préparés ainsi, les légumes ont plus de vitamines après qu'avant le traitement : vos salades de chou-céleri-carottes-betteraves de tout l'hiver seront transformées en bombes de bienfaits pour la santé, et comme c'est délicieux, que demande le peuple ?

 

Pour les autres légumes, voyez ICI, clic !

Amusez-vous, essayez, c'est extrêmement facile. (Et le prochain épisode devrait vous plaire aussi... Cliquez vite ICI pour voir comment faire vous même un délicieux ketchup lacto-fermenté)

Et ICI clic, vous trouverez la méthode pour les choux de bruxelles.

 

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