Source : Marianne, par Régis Soubrouillard, mis en ligne le 13 mai 2014
Le bruit avait déjà couru en mars. Quelques blogueurs et journalistes affirmaient que des mercenaires du groupe privé américain Blackwater auraient pris le chemin de l’Ukraine avec armes et bagages. Dans un communiqué du 17 mars, Academi (le nouveau nom de la société militaire qui regroupe les troupes de Blackwater) dénonçait ces « déclarations infondées » arguant notamment que Academi « avait fait d’énormes efforts pour construire une société transparente respectueuse des règles éthiques » et n’avait plus rien à voir avec Blackwater.
La presse russe, proche de Poutine, s’était également fait l’écho, début avril, de la présence d’une unité de mercenaires de Blackwater, camouflés sous l’uniforme de la Sokol, les forces spéciales ukrainiennes. Sur les forums russes circule notamment cette vidéo de l’arrestation d’un mercenaire. Difficile de proposer un tel document comme une preuve de la présence de milices américaine privées.
Ce matin la presse allemande y revient donc et donne des précisions. Selon des informations basées sur des communications radio entre des centres de commandement de l'armée, interceptées par la NSA (!) et transmises ensuite aux services secrets allemands, 400 mercenaires américains seraient arrivés dans l’Est de l’Ukraine, pour combattre contre les séparatistes. Ils seraient notamment impliqués dans une opération punitive contre les séparatistes à Slowjansk. Le journal Bild qui révèle ces informations ne donne pas de détail sur le financement de cette opération, même si le journal ajoute qu’il est connu que ces « commandos viennent pour pas cher ». On en vient néanmoins à se demander pourquoi la désormais célèbre NSA aurait « balancé » une société de « sous-traitance » de l'armée américaine. Guerre des services ou volonté de la NSA de saboter une initiative autonome d'Academi ?
Faute de pouvoir envoyer leurs propres armées, ce qui ouvrirait de fait le risque d’une véritable guerre, les opérations dîtes de « sécurité » sont désormais « filialisées » par les Etats. Auteur en 2008 de Blackwater, l’ascension de l’armée privée la plus puissante du monde, le journaliste Jeremy Scahill racontait ainsi à l’époque l’essor de Blackwater sous George W. Bush, parlant d’une « privatisation des activités militaires américaines ». La guerre en Irak a été le premier conflit durant lequel de grandes opérations militaires ont été entièrement sous-traitées à des entreprises privées, donnant lieu à de nombreuses polémiques. Dans son dernier ouvrage, Dirty Wars, sorti ces jours-ci, le même Jeremy Scahill raconte que sous Obama le recours aux sociétés militaires privées n’a guère baissé et que le sale boulot de l’armée américaine est toujours régulièrement confié à des sociétés privées.
Les russes ne seraient pas en reste. Le mois dernier, le site The Daily beast révélait, de son côté, que selon « des sources russes informées », les milices pro-russes provenaient de la société Vnevedomstvenaya Okhrana, une société russe de sécurité, proche du Kremlin et du même type que Blackwater. Le nouvel art « privatisé » de la guerre...
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