Après seize mois de lutte, le projet de la salle Arena est sur le point d’être définitivement enterré. Si la décision officielle sera votée lors du prochain conseil communautaire du mois de juin 2014, les maires des différentes communes de la CUD ont voté hier à l’unanimité lors de la conférence des maires, l’annulation pure et simple du projet.
Le collectif STOP ARENA, dont nous faisons parti avec l’ADELFA et les Amis de la Terre, avait interpellé par courrier le 12 avril 2014 tous les élus communautaires en leur rappelant que l’annulation complète de l’Arena affirmera la prise en compte par ces derniers des urgences sociales, économiques et environnementales auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui.
La nouvelle équipe municipale, menée par M. Vergriete, l’a très bien compris. L’arrêt de ce projet surdimensionné est donc une victoire importante pour la démocratie à Dunkerque. Pensée et conçue par une minorité de décideurs et d’élus qui ont voulu imposer à l’ensemble des citoyens une grande salle de sport inutile, sans réel débat démocratique, et sans concertation citoyenne, la fin de la salle Arena doit marquer le début d’une nouvelle ère de démocratie, participative et citoyenne.
L’annulation du projet coûtera cher, mais c’est sans aucune mesure à côté des 300 millions d’euros qui ont été estimés pour le coût total de la salle et des divers aménagements. En plus des 17 millions d’euros dépensés dans diverses études, ou indemnités de retard payés à Vinci, ce sont 13 millions d’euros supplémentaires qui iront dans les poches de la multinationale pour rupture de contrat.
Seuls les élus qui avaient voté aveuglement en 2009 pour le projet Arena, sans connaître les tenants et aboutissants du dossier, peuvent se mordre les doigts aujourd’hui de verser une telle somme à Vinci. A eux de retenir la leçon à l’avenir, et de voter les futurs projets soumis au conseil communautaire en connaissance de cause pour éviter que l’histoire se répète.
Même si on est peu nombreux, il faut persévérer
L’expérience de la mobilisation contre la salle Arena de Dunkerque nous démontre autre chose : lorsqu’on pense qu’un projet est injuste, qu’il n’est pas une priorité, qu’il va à l’encontre de l’intérêt commun, il ne faut pas hésiter une seconde à lutter contre.
Lorsque nous avons organisé la première réunion contre l’Arena, nous n’étions que quatre personnes ! Lorsque nous rejetions l’idée de toute négociation avec Vinci, on nous prenait pour des illuminés ! Même si on est peu nombreux, qu’on a l’impression d’aller à contre-courant de l’opinion générale, il faut persévérer, et ne jamais douter qu’on peut aller jusqu’au bout !
Cette victoire contre Vinci , a été possible grâce à la collaboration, et au travail acharné de dizaines de militants. Pendant des mois, sur les marchés, dans les manifestations, nous nous sommes battus pour informer et sensibiliser les habitants de la communauté urbaine qui pour certains ne connaissaient même pas l’existence du projet Arena. Il faut souligner également le travail important des naturalistes qui ont réalisé des contre-expertises sur le terrain du Noort Gracht, et celui des différents militants qui ont participé à la rédaction des recours portés par l’ADELFA auprès des tribunaux. Nous remercions également le site Reporterre de nous avoir offert une tribune, ce qui est loin d’être le cas pour les médias locaux...
Nous avons démontré à l’ensemble des Dunkerquois qu’il était possible d’agir sur la réalité et la changer – ne serait-ce qu’un peu ! – car celle-ci est loin d’être immuable. Notre travail de militantisme ne s’arrête pas pour autant aujourd’hui avec l’annulation de ce projet. C’est à nous de veiller à ce que nos élus travaillent pour l’intérêt de tous, et non plus pour leurs propres intérêts. Tel sera le nouvel objectif pour notre structure dans les mois et années qui viennent.
A Taïwan, de puissantes manifestations repoussent le projet de centrale nucléaire
Par Clément Robin, source en ligne ici.
Vingt-huit ans après Tchernobyl, des dizaines de milliers de Taïwanais ont manifesté le week-end dernier contre le nucléaire. Ils ont obtenu l’arrêt de la construction d’une quatrième centrale près de la capitale, mais demandent aussi le déplacement des déchets radioactifs, entreposés dans les centrales en activité, et sur l’île des Orchidées.
Lanyu (Taïwan), reportage
Les rassemblements anti-nucléaires sont quasiment quotidiens à Taipei depuis le onze mars, date d’anniversaire de la catastrophe de Fukushima il y a trois ans. Ce jour là, un défilé a réuni près de 100 000 personnes, et un mois et demi après, les associations écologistes, Green Citizen Action Alliance en tête, ont obtenu des concessions du gouvernement. Le premier ministre Jiang Yi-Huah a annoncé lundi 28 avril l’arrêt des travaux de la quatrième centrale nucléaire, qui devaient être achevés avant la fin de l’année, et ce jusqu’à l’organisation d’un référendum.
- Manifestation lundi 28 avril -
Mais pour les associations militantes et le principal parti d’opposition, le parti démocrate progressiste (DPP), la loi qui encadre le référendum à Taïwan est trop stricte, car le vote ne peut être validé que si au moins la moitié des électeurs taïwanais se présentent aux urnes. Ils appellent à continuer le mouvement et à soutenir Lin Yi-Hsiung, figure de la lutte anti-nucléaire et prisonnier politique dans les années 1980. Il est en grève de la faim depuis une semaine, et a été hospitalisé mardi 29 avril.
Une île propice aux séismes
Taïwan est situé sur la ceinture de feu du Pacifique, un alignement de 452 volcans allant de la Nouvelle-Zélande au Chili, en passant par l’Indonésie, le Japon et l’Amérique du Nord. A Taïwan, environ deux mille deux cents séismes sont répertoriés chaque année, dont plus de deux cents sont ressentis. En un siècle, quatre-vingt-seize tremblements de terre ont été meurtriers. Le dernier en date remonte à 1999, quand près de deux mille cinq cents personnes ont perdu la vie et onze mille autres ont été blessées par un séisme de magnitude 7,3 sur l’échelle de Richter. L’île subit aussi cinq à six typhons par an en moyenne.
Cette vulnérabilité fait craindre aux militants anti-nucléaires et à une partie de la population un scénario comparable à celui de la catastrophe japonaise. Sauf que Fukushima est située à près de trois cents kilomètres de Tokyo, alors qu’à Taïwan, deux des trois centrales actuellement en activité sont situées à moins de quarante kilomètres de Taipei, au bord de l’océan Pacifique. La quatrième centrale est en construction dans cette même zone, à une cinquantaine de kilomètres de la capitale.
Taïwan est un des pays les plus densément peuplé au monde, avec 639 habitants au km², six fois plus qu’en France. Des associations écologistes ont évalué à six millions le nombre de personnes à évacuer dans un périmètre de trente kilomètres autour d’une de ces centrales, en cas d’incident majeur.
Et en plus, des déchets nucléaires ingérables
Pour Paul Jobin, ex-directeur de l’antenne de Taipei du Centre Français d’études sur la Chine contemporaine (CEFC), auteur de plusieurs enquêtes sur le nucléaire au Japon et à Taïwan, « l’autre question importante, c’est le traitement des déchets nucléaires, qui s’accumulent à Taïwan. Les plus dangereux sont les barres de combustibles qui sont utilisées. Or, elles sont stockées dans les centrales, c’est-à-dire à trente kilomètres de Taipei pour les centrales numéro un et deux. On est donc dans une configuration très proche de celle de Fukushima. » Selon le chercheur, « ce qui rend le problème plus aigu à Taïwan, c’est son isolement sur la scène internationale ».
L’île-Etat de vingt-trois millions d’habitants n’est reconnue que par vingt-deux pays, parmi les plus pauvres du monde. Il sera difficile alors de trouver un allié qui accepte de recevoir cet encombrant cadeau. Pour le moment, les combustibles usés s’entassent donc dans les trois centrales en activité, et sur l’île des Orchidées, à une soixantaine de kilomètres au large de la pointe sud de Taïwan, pour les déchets faiblement radioactifs.
- Depuis 1982, l’île des Orchidées stocke des déchets faiblement radioactifs -
L’île des Orchidées, quarante-cinq km², compte quatre mille habitants permanents, dont environ deux mille cinq cents appartiennent à l’ethnie Tao, une tribu aborigène installée depuis huit cents ans. Ils vivaient de la pêche aux poissons volants et de la culture du Taro, un tubercule alimentaire des régions tropicales, jusqu’à l’arrivée de Tchang Kaï-Chek, accompagné par un à deux millions de chinois à Taïwan en 1959, défaits par les troupes de Mao.
« En 1968 ou 1969, l’île [des Orchidées] servait de prison », raconte Syaman Rapongan, un habitant de cinquante-huit ans et figure de la lutte contre les déchets nucléaires. « Ensuite, au début des années 1970, le gouvernement taïwanais a créé Taipower [l’opérateur nucléaire taïwanais]. Mais il ne savait pas quoi faire des déchets nucléaires. Ni Taipower, ni le gouvernement taïwanais n’ont négocié avec nous. »
- Plus de 97000 barils de déchets sont stockés dans les 23 entrepôts du site de stockage de Lanyu -
En 1982, le centre de stockage de déchets nucléaires est achevé, caché derrière une montagne au sud de la petite île. Vingt-trois entrepôts se dressent à quelques mètres de l’océan Pacifique. « Au départ le gouvernement nous a dit que c’était une usine de fabrication de conserves de poisson », se souvient un habitant, « On pensait que c’était inoffensif. » A mesure que les barils de déchets radioactifs arrivent par bateau, les habitants commencent à protester devant le site de stockage, puis dans les grandes villes taïwanaises. Au milieu des années 1990, la société Taipower signe un contrat avec le représentant de l’île des Orchidées, prévoyant de verser des compensations financières. Depuis, les autorités locales ont reçu près de quarante millions d’euros, qui ont permis d’équiper l’île en électricité, d’installer internet et de construire des écoles.
Pour autant, beaucoup d’habitants n’ont pas confiance en Taipower. Certains évoquent une forte augmentation du nombre de cancers et font directement le lien avec les déchets radioactifs. Des anciens employés sur le site ont par ailleurs dénoncé des normes de sécurité parfois loin d’être respectées. Taipower assure de son côté que le site est parfaitement sûr, et que la radioactivité y est contrôlée en temps réel. L’entreprise publique répète que le site de stockage à Lanyu est temporaire, même si plus de 97 000 barils y sont entreposés depuis trente-deux ans.