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Après deux ans de tests des nouveaux compteurs dits « intelligents », la décision vient de tomber. Le Premier ministre, lors de son discours de présentation du plan d’investissements d’avenir sur dix ans, a annoncé le déploiement des compteurs Linky. Un appel d’offres sera lancé cet été pour installer trois millions de nouveaux compteurs électriques en France d’ici à 2016. Et en 2020, tous les logements devront être équipés. Cependant, l’État ne mettra pas la main à la poche, l’investissement, estimé au total à 5 milliards d’euros, sera, a-t-il assuré, financé par EDF sur ses fonds propres. Laquelle pourrait bien faire payer l’abonné ultérieurement en majorant le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE).
Figurant au volet des investissements en faveur de la transition énergétique, Linky est supposé aider le consommateur à consommer mieux et moins. Lors de son discours, Jean-Marc Ayrault a évoqué un compteur « qui va faciliter la vie des utilisateurs grâce aux relevés à distance, qui les aidera à maîtriser leur consommation d’électricité en les informant mieux, qui permettra de développer de nouveaux services comme le pilotage automatique des appareils électriques du foyer ».Pour les associations de consommateurs, rien n’est moins sûr. Car faire des économies d’énergie suppose que l’utilisateur puisse visualiser sa consommation en temps réel. Un avantage que vantent les publicités d’EDF, mais qui est loin d’être une réalité. En effet, les compteurs électriques sont souvent situés en dehors du logement. Un affichage déporté aurait fait l’affaire, mais, malgré des demandes réitérées, les associations n’ont pas pu l’imposer. « Cette exigence fondamentale, si on veut que le Linky présente un intérêt pour les usagers, n’est pas demandée à ERD, constate l’UFC-Que choisir. Son seul impératif, c’est de permettre de visualiser sa consommation d’électricité en se connectant sur Internet ou via un smartphone. On est à mille lieues d’un petit écran placé dans l’entrée ou la cuisine qui donnerait, en temps réel, la consommation des appareils et des usages ! » D’autant plus que cette option serait aux dernières nouvelles payante !
Cet affichage sur Internet soulève d’autres inquiétudes : en cas de piratage, les données livreraient des informations sur la présence au domicile et pourraient permettre aux cambrioleurs de choisir leurs horaires de visite…
En janvier 2013, la Cnil publiait une première recommandation dans laquelle elle estimait que la fréquence des relevés journaliers de consommation devait être limitée, pour ne pas livrer trop d’informations précises sur les habitudes de vie des personnes. Elle annonçait également la création d’un groupe de travail « pour aboutir à la publication de bonnes pratiques, en concertation avec les industriels du secteur » d’ici à l’été 2013. Depuis, c’est silence radio. Il a été dit que la transmission des données se ferait via des liaisons physiques par courants porteurs en ligne (CPL) et qu’elles seraient cryptées. Mais certains évoquent aussi la présence de cartes SIM. L’opacité technique et la perspective de collecte par EDF de données indicatives de ce qu’ils font chez eux ne rassurent pas les utilisateurs. Et il a clairement été dit que les fournisseurs d’électricité – ou leurs partenaires – pourraient ainsi concevoir des services sur mesure, dont on imagine qu’ils ne seront pas gratuits. Faute de précisions sur tous ces points, l’annonce de la généralisation de Linky laisse donc l’impression qu’une fois de plus les usagers devront, quoi qu’il en coûte, se soumettre aux nécessités de la croissance.
Pour l’UFC « le compteur Linky ne favorisera pas les économies d’électricité : il est conçu avant tout dans l’intérêt d’ERDF et des fournisseurs d’électricité, EDF en tête ». L’argument de la création d’emplois, avancé dans le dossier de presse gouvernemental, n’est guère plus convaincant. Il y est dit que le groupe EDF souhaiterait développer une véritable filière d’excellence pour l’exportation : « En prenant en compte l’ensemble des opérations nécessaires à la conception et à la fabrication, c’est entre 62 et 80 % du compteur qui sont susceptibles d’être construits en France, avec la création potentielle de 10 000 emplois, dont 5 000 pour la pose. » Belles promesses dont on peut cependant douter. Dans une enquête réalisée par Degroupnews en 2011, trois fabricants de compteurs étaient identifiés : l’un est américain, l’autre se trouve en Slovénie et le siège social du troisième, une spin-off de Toshiba apparemment, est installé en Suisse. Rien ne garantit donc que la fabrication se fera en France. Et les emplois pour la pose ne seront pas pérennes.À bien y regarder, on se dit que Linky et autres compteurs intelligents s’inscrivent parfaitement dans l’évolution vers cette société de la surveillance consentie dont on nous ressasse les avantages. Une évidence pour le collectif grenoblois Pièces et Main d’œuvre qui estime que « Linky illustre la “planète intelligente”, le programme de pilotage global et cybernétique de la société, vendu depuis des années par IBM au pouvoir pour gérer la réduction des “ressources” à l’époque de l’effondrement écologique et social ».
Humanité 2.0 : Linky, l’Enfer Vert et le techno-totalitarisme
jeudi 11 juillet 2013 par Pièces et main d’œuvre
Afin d’offrir aux écologistes de son gouvernement des prétextes pour y rester, et d’ouvrir un nouveau marché à l’innovation, Jean-Marc Ayrault annonce mardi 9 juillet 2013 le remplacement de tous les compteurs électriques par des compteurs intelligents Linky pour un montant de 5 milliards d’euros. « Trois millions de compteurs Linky seront installés par ERDF d’ici 2016 et tous les logements en seront équipés d’ici 2020 ». Pour Pascal Durand, numéro 1 d’Europe-Ecologie Les Verts, « c’est une vraie rupture et le début d’une transition ». On ne saurait mieux dire. Avec Linky, l’Enfer Vert (1) s’installe à domicile. Un progrès pour le techno-totalitarisme dans notre pays, dont le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, refuse l’asile à Edward Snowden, traqué par les Etats-Unis pour avoir étalé leur programme d’espionnage électronique mondial.
Logique : la France, comme son allié américain, ramasse de façon légale et illégale (quelle différence ? sauf pour les niais qui tiennent avant tout à être espionnés dans les formes) des milliards de données sur notre vie privée. Quelle importance, diront les radicalistes, « la vie privée, c’est politique ». Les données sont la matière première de la police des populations par le pouvoir politique et économique : suivi des individus, profilage des consommateurs. Et voilà comment, en effet, la vie privée devient politique sous l’œil du pouvoir, et des voyeurs du voisinage réunis en assemblée générale.
Le comptage intelligent du troupeau
Équipé d’une puce électronique à radio-fréquences (RFID), Linky transmet à distance nos données personnelles de consommation électrique. Soit, dans un monde où tout fonctionne à l’électricité, le détail de votre vie domestique. Vous prenez votre douche le matin. Vous avez des invités à la maison. Vous regardez trop la télévision. Vous avez changé de rythme de vie. Etc. Ce mouchard à domicile fait partie des « Technologies-clés » recensées par les décideurs pour doper l’industrie. Dans le rapport « Technologies-clés 2015 » remis en son temps au gouvernement Fillon, Linky figure au chapitre 74 : « Comptage intelligent ». Ainsi défini par les technocrates : « Le comptage intelligent consiste en la mise en réseau de fonctions clés liées au bâti (ventilation, chauffage, fluides, etc.), par la mise en place de capteurs, actionneurs et logiciels. (…) Il s’agit de compteurs communicants, capables de recevoir et d’envoyer des données sans intervention humaine, pour la mesure et la gestion des flux. De tels compteurs permettent de suivre en temps réel la consommation énergétique d’un bâtiment, foyer ou entreprise. » Avec cette précision : « En termes d’acceptabilité, le problème de l’atteinte à la vie privée est soulevé par plusieurs associations de consommateurs. La question de la rétention des données doit donc être traitée de manière attentive. »
Parmi les acteurs français de ce marché porteur figurent le Commissariat à l’énergie atomique, STMicroelectronics, ERDF, Schneider Electric ou Google Power Meter. Le CEA et Google dans nos maisons pour enregistrer notre activité sur le vif : un gage d’optimisation pour le flicage électronique.
Un projet poussé par la ministre Furioso
Présenté comme un projet de maîtrise des consommations énergétiques, le compteur Linky constitue l’une des mailles du filet électronique qui se referme peu à peu sur nous. Soutenu par les Verts – comme les cartes de transports pucées -, il est promu depuis des années par le techno-gratin grenoblois, toujours à la pointe de l’accélération technologique. Dans son rapport « Economie, industrie et énergie » rédigé en 2011, alors qu’elle était députée, la ministre grenobloise de la Recherche Geneviève Fioraso recommandait de « rendre obligatoire et gratuite la transmission des données collectées par les compteurs électriques communicants ». Depuis 2011, Grenoble teste Linky sur les cobayes volontaires de deux quartiers intelligents à forte population d’ingénieurs et de techniciens : la Caserne de Bonne et la Presqu’Ile scientifique. L’expérimentation, baptisée GreenLys, consiste à connecter la distribution de l’électricité à l’informatique ambiante pour savoir qui consomme quoi, qui produit combien et quelle capacité électrique on peut dégager des « nouveaux usages ». En bref : afin de nous faire consommer toujours plus d’électricité pour alimenter les objets communicants qui colonisent nos vies, le pouvoir a besoin d’optimiser le réseau, en traquant nos usages. Société numérique, société nucléaire. C’est ça aussi, l’Enfer Vert.
La tyrannie de la rationalisation
Linky illustre la « planète intelligente », le programme de pilotage global et cybernétique de la société, vendu depuis des années par IBM au pouvoir pour gérer la réduction des « ressources » à l’époque de l’effondrement écologique et social. (2) Non seulement il espionne chacun de nos gestes, non seulement il supprime l’intervention des humains qui jusqu’ici relevaient nos compteurs (on parle de 6000 emplois), qui se laissaient (parfois) fléchir et laissaient le courant aux mauvais payeurs, mais il nous asservit à la rationalisation. Finis l’imprévu, la surprise, la négociation entre humains. La machine pilote nos vies de la crèche aux maisons de retraites, décide à notre place, au nom de la fonctionnalité, de la rentabilité, de la gestion optimale des flux et des stocks – c’est nous, les flux et les stocks.
À quoi bon vivre, la machine le fait tellement mieux que nous. Elle le fait sans temps mort, sans entrave ni erreur. L’humain est l’erreur.
Pas plus que le sort d’Edward Snowden, le pillage des données personnelles via Internet et les moyens de communication électroniques ne suscite de révolte.
Il est juste que les Verts applaudissent à l’invasion des mouchards RFID dans chaque objet terrestre, à leur interconnexion via « l’Internet des objets » et à la rafle illimitée de données sur nos vies, nos relations, nos habitudes, nos idées : c’est leur projet.
Quant aux « antifascistes », encore faudrait-il qu’ils aient ouï parler de l’informatique ambiante et de la « planète intelligente ». Pour les radicalistes comme pour les citoyennistes - tous également progressistes - « la technologie est neutre, tout dépend de l’usage qu’on en fait. » C’est-à-dire qu’une autre machine est possible, avec de bons drones pour chasser « les fascistes » ; des ordinateurs vertueux pour recenser « les dominants » suivant des statistiques identitaires ; des robots-chirurgiens pour échapper à « l’assignation » au corps natal ; des utérus artificiels, des procédés de reproduction technifiés et le clonage, pour en finir avec la malédiction de la maternité et de la naissance entre les fèces et l’urine.
Quant à la technocratie post-moderne et « multiculturelle », une autre machine lui permet d’imposer sa propre domination, son « droit à la différence », à « l’augmentation technologique » et eugéniste ; sa conception d’« une autre humanité » ou sa « conception ouverte de l’humanité » - c’est-à-dire ouverte au cyborg et à l’homme-machine. D’accomplir ses pulsions biophobes et anthropophobes. Si vous ne savez pas ce que signifie une humanité « à deux vitesses », voyez ce que produit déjà « une médecine à deux vitesses ».
C’est un bien petit dispositif qu’un compteur Linky, mais l’indice le plus ténu, pourvu qu’on le suive, vous mène au fin mot de l’histoire – et d’ailleurs ce n’est qu’un indice parmi des myriades, tous concordants.
Hier les moutons, aujourd’hui les hommes. Si vous êtes de ceux qui s’indignent du puçage électronique des ovins (après les chiens, les chats, les chevaux, etc.), peut-être vaut-il encore la peine de s’indigner du puçage électronique du troupeau humain via le compteur Linky, l’Internet des objets et la prolifération des puces RFID.
NOTES
(1) Lire L’Enfer Vert, un projet pavé de bonnes intentions, par Tomjo (éditions L’Echappée, 2013) et sur http://www.piecesetmaindoeuvre.com/...
(2) Cf. « IBM et la société de contrainte », in L’industrie de la contrainte, de Pièces et main d’œuvre (éditions l’Echappée, 2011) et sur http://www.piecesetmaindoeuvre.com/...
Linky
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A lire également sur le site du LEA :
Les nouveaux compteurs Linky
Le Lot en Action, par Bluboux. Mis en ligne le 27 mars 2013
Vous êtes très nombreux à effectuer des recherches internet sur les nouveaux compteurs Linky. Alors nous publions à nouveaux ici tous les articles déjà publiés sur ce sujet plus que sensible.
Le compteur électrique intelligent : outil écolo ou mouchard social ?
10 février 2010 par Sophie Chapelle
Prévu pour remplacer nos bons vieux compteurs électriques d’ici 2017, le compteur dit « intelligent » - nommé linky - sème le trouble au niveau européen. Cette nouvelle technologie devrait faciliter les économies d’énergie et donc lutter contre le réchauffement climatique. Mais derrière ce boîtier numérique jaune se profilent des enjeux financiers colossaux et de possibles régressions sociales.
« Il fait peur aux techniciens, vous savez ». « Il » c’est le « linky », un nouveau compteur qui pourrait remplacer d’ici 2017 les 35 millions de compteurs électriques actuellement en fonctionnement dans l’hexagone. Le linky – également appelé compteur « intelligent » - est un appareil électronique théoriquement capable de transmettre en temps réel au fournisseur d’énergie des informations sur la consommation du client. Les données transitent du compteur installé chez les clients vers des concentrateurs qui centralisent les données, grâce aux câbles électriques [1] avant d’être transmises au fournisseur d’énergie. Ce dernier peut donc relever à distance, automatiquement et en temps réel la consommation d’énergie sans recourir au déplacement d’un agent. ERDF, la filiale d’EDF pour la distribution d’électricité, se réjouit de cette future « révolution technologique ». Les syndicats ne partagent pas cet enthousiasme. Lire la suite de l'article
Les nouveaux compteurs « Linky » arrivent
Le Lot en Action n°44. 25 novembre 2011 par Bluboux
ERDF s’active dans le Lot et multiplie les rencontres avec les élus. Sept réunions annuelles sont programmées, durant lesquelles le point est fait sur les investissements, travaux de maintenance sur le réseau, développement. En cette année 2011, l’accent est mis sur la présentation du nouveau compteur Linky, qui devrait être installé partout dans le Lot entre fin 2013 et début 2014. Pour les lecteurs occasionnels du LEA, il convient de rappeler ce que sont les compteurs Linky : de vrais petits « mouchards », bourrés d’électronique, qui vont permettre à ERDF d’engendrer de sérieuses économies pour les fournisseurs d’énergie (EDF et tous les opérateurs privés) en supprimant tous les emplois consacrés à la relève des compteurs (le relevé se fera en direct, puisque toutes les informations concernant votre consommation seront transmises automatiquement). Lire la suite de l'article
Les compteurs “intelligents” : des bombes à retardement ?
Internet Actu. Le 14 septembre 2010 par Jean-Marc Manach