Les Inrocks. 30 avril 2012 par Michel Despratx
Une centrale atomique pour Kadhafi contre la libération des infirmières bulgares : des documents confidentiels montrent que c’est le deal conclu en 2007 entre la France et le colonel Kadhafi. Révélations, dans les Inrocks de mercredi, sur un secret que Nicolas Sarkozy protège depuis cinq ans. Extrait de l’article à lire dans les Inrocks en kiosque mercredi.
“C’est dur”, se plaignait à l’époque Nicolas Sarkozy, qui négociait avec le colonel Kadhafi la grâce des cinq infirmières bulgares et du médecin palestinien emprisonnés à vie pour avoir, selon la justice libyenne, volontairement inoculé le virus du sida à des enfants.
Ce fut “dur” mais il y parvint et ce fut son triomphe : tous furent libérés. Depuis, les soupçons pèsent : qu’a promis Nicolas Sarkozy à Kadhafi en échange de son geste humanitaire ? Le jour même du retour des infirmières en Bulgarie, les Verts français l’accusaient d’être allé jusqu’à acheter la clémence du dirigeant libyen en échange d’un objet dangereux : la puissance atomique.
Depuis cinq ans, Nicolas Sarkozy oppose à cette accusation toujours la même réponse : rien, rien offert, rien dealé en cachette. Comment aurait-il donné l’atome à un fou, et en échange d’un cadeau diplomatique ?
Les Inrocks ont eu accès à des documents diplomatiques confidentiels qui révèlent ce qui s’est négocié, en juillet 2007, entre le dirigeant libyen et la France. Tout, dans ces documents, contredit la version du président de la République.
Des armes et une centrale atomique
A l’époque, Kadhafi sait que Sarkozy a besoin de cette victoire humanitaire pour briller sur la scène internationale. Habilement, il demande au Français des armes et une centrale atomique. Les documents révèlent que Paris a accepté de les lui fournir, s’il libérait les infirmières bulgares.
C’est la France, la première, qui propose au Libyen un accord, le 17 juillet, via son ambassadeur à Tripoli. Le texte de cet accord reprend des thèmes que Nicolas Sarkozy et le colonel Kadhafi avaient auparavant discutés au téléphone, tels la lutte contre le terrorisme, l’immigration illégale, la sécurité ou le nucléaire.
Mémorandum d’entente
Kadhafi répond trois jours plus tard mais en faisant monter les enchères. Il demande à la France de signer un accord militaire et un accord nucléaire spécifiques, comprenant la livraison d’une centrale atomique. Le dirigeant libyen fait passer le message à Sarkozy qu’il veut l’atome et les missiles, et que la satisfaction de sa demande pèsera dans les ententes à venir.
Paris reçoit le message et accepte, le 23 juillet, de signer un “mémorandum d’entente” nucléaire reprenant la demande des Libyens. Préféré à un “accord”, le “mémorandum” permet à la diplomatie française de contourner les accords internationaux en matière de non-prolifération. Mais Paris pose une condition à l’entente nucléaire. Il faut d’abord que Kadhafi libère les infirmières bulgares. Et le ministère français des Affaires étrangères demande à son ambassadeur de “remettre dans les meilleurs délais [ce texte d'une entente nucléaire, ndlr] à la partie libyenne, uniquement si les infirmières et le médecin bulgares sont d’ici là libérés”.
Ce sera chose faite le lendemain, 24 juillet. Le succès est complet : Kadhafi accepte que les infirmières soient ramenées en Bulgarie dans un avion de la République française. Le lendemain, Nicolas Sarkozy atterrit à Tripoli et son ministre Kouchner signe l’entente sur le nucléaire et l’accord militaire…
Michel Despratx
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