Hongrie: sur la route des roms, milice et extrême droite

Anaëlle Verzaux | Bakchich | mardi 14 février | mis en ligne par Paco

 

Dans le village de Gyongyospata, dirigé par un maire du parti d'extrême droite Jobbik, la minorité rom vit dans la peur. Au printemps 2011, les milices d'extrême droite rôdaient dans le village. Elles apparaissent toujours, mais plus discrètement.Reportage.

 

« Tu peux me prendre en photo ? Tu me trouves assez belle ? »

Dans un long couloir sombre, Elvira se recoiffe devant un miroir à pied, puis prend la pose, en riant. Son père, un bon vivant d'une soixantaine d'années la regarde, en chantant Joe Dassin puis pérore sur Nicolas Sarkozy, dont le village familial est situé à 30 km de là. Sa façon d'accueillir ses visiteurs français. A côté, dans une cuisine enfumée, une dizaine de roms discutent sérieusement, tandis que des personnes viennent et partent par petits groupes, comme dans une maison d'associations. Nous sommes pourtant chez des particuliers, les Farkas, une famille qui représente la minorité rom de Gyöngyöspata, une bourgade de 2850 habitants (dont 450 roms), coupée en deux.

 

© Anaelle Verzaux

©Anaelle Verzaux

 

Avec les Hongrois non rom sur les hauteurs, et les roms dans un vallon, situé en zone inondable. Autant dire que la cohabitation est difficile.

 

Janos Farkas, trente ans, le vajda (chef) des roms de Gyöngyöspata, nous invite à entrer dans sa chambre garnie d'animaux en peluche, le seul endroit au calme de la maison. Sa femme nous apporte tout ensemble vin, coca-cola et cafés.

 

Janos Farkas fait figure d'exception, le seul de sa communauté à avoir eu le baccalauréat. « J'aimerai être web designer et si possible, faire des études supérieures. Mais des gens m'ont élu représentant, ils m'ont fait confiance, je ne peux pas partir d'ici, je resterai jusqu'à la dernière « levée » ».

 

Descente de milice et maire d'extrême droite

 

Depuis mars 2011, le Jobbik et des milices d'extrême droite (dont Vedero, une milice proche du Jobbik, défilant en uniformes militaires), font pression sur la minorité rom, « pour que les familles s'en aillent ». En avril 2011, 277 roms, fuyant les milices, ont quitté le village. « Depuis, huit familles sont parties à Toronto », raconte Farkas. Après un arrêté gouvernemental interdisant les patrouilles de milices en Hongrie, elles ont fini par quitter le village. Enfin pas tout à fait, selon le vadja de Gyöngyöspata : « Des milices reviennent de temps en temps dans le quartier, mais plus discrètement, sans leurs uniformes militaires ».

 

Les roms qui sont restés, faute de moyens, se défendent comme ils le peuvent. « Mon boulot, explique Farkas, consiste à régler les problèmes de la communauté, gratuitement, avec le soutien d'ONG. On fournit aussi aux citoyens les moyens de se défendre seuls, en leur donnant une éducation juridique élémentaire. Ils en ont besoin, les roms sont sans cesse accusés pour rien. Ici, on a une version dure, mais c'est le même problème dans tout le pays. L'avenir ne sera pas meilleur, on en a peur ».  Pas avec ce maire, élu en juillet 2011, issu des rangs du Jobbik, le parti d'extrême droite hongrois, qui a obtenu 16,4 % des suffrages, lors des élections législatives de 2010.

 

Jumelage irano-hongrois

 

Son visage de poupin joufflu tranche avec ses actions nauséabondes. Oszkar Juhasz, 36 ans, édile de Gyöngyöspata, nous reçoit dans sa petite mairie, un peu défraîchie, à l'image du village. Dans le hall, deux pages de la nouvelle Constitution hongroise ont été étalée sur une table basse, dont l'une inscrit le pays dans la religion catholique. Des portraits des anciens maires, entourés de leurs équipes encadrent les murs. Le bureau d'Oszkar Juhasz est décoré d'un drapeau iranien, nous dit-on. Il ne nous y invite pas, mais nous conduit dans la salle des mariages. Sur un badge accroché à sa veste, figurent en symétrie parfaite, les drapeaux iranien et hongrois.

 

© Anaelle Verzaux

 

« J'aime beaucoup l'Iran. Nous avons conclu des partenariats avec plusieurs villes iraniennes », raconte le maire. Est-ce à cause d'un antisémitisme partagé ? Juhasz répond habilement, à côté : « La politique menée par Israël vis-à-vis des Palestiniens est inadmissible ».

Au moins 450 000 juifs hongrois, 600 000, écrivent même certains historiens, ont été exterminés dans les camps nazis, pendant la Seconde Guerre Mondiale. Mais les Hongrois n'ont pas écrit cette histoire. C'est un tabou, dont on ne parle pas et qu'on ne montre pas. Les représentations de la Shoah sont absentes ou presque, du « musée de la Terreur », à Budapest, comme des livres scolaires.

Le Jobbik s'affiche donc comme un parti ouvertement antisémite. Mais Juhasz est plus à l'aise pour parler des tsiganes.

 

«La criminalité tsigane

est une notion scientifique»

 

« Attention à ce que vous allez dire de moi. Je ne suis pas raciste. Mais il y a des faits. Ces vingt dernières années, les tsiganes ont montré qu'ils étaient criminels. La criminalité tsigane est une notion scientifique, qui a notamment été utilisée en 1996 à l'école supérieure, pour désigner les tsiganes. La criminalité tsigane, c'est l'utilisation de la violence sans raison. Par exemple, si les tsiganes élèvent des chevaux, ce n'est pas par amour des bêtes, mais pour dissoudre les corps des personnes qu'ils ont tuées. Le crottin dissout le calcium. Le pire, c'est que le plus souvent, ils se tuent entre eux. Voyez, je préfère m'en tenir à la définition », dit-il tranquillement.

Oszkar Juhasz poursuit : « Il y a des tsiganes qui ne rentrent pas dans cette catégorie là. Mais pour ceux qui ne respectent pas les lois, avec moi, c'est tolérance zéro, ils doivent retourner dans leur jungle ! »

 

« A Gyöngyöspata, que font-il comme actes criminels ? », interrogeons-nous. « Ici, ils pissent sur les murs de l'église ! ».

Et dire que nous sommes dans la salle des mariages... « Mais c'est terrible ! », on s'exclame.

Il dit : « Oui, et ce n'est pas tout, il y a quelques mois, j'ai été menacé de mort par un tsigane ; c'était un tsigane, j'en suis sûr, j'ai reconnu l'écriture de la lettre ! J'ai porté plainte contre X ».

 

«Les journalistes sont

des gens qui se droguent»

 

« Il y a quelques mois », c'était l'été 2011, peu après le départ officiel des milices fascistes, qui avaient insulté et menacé les roms du village. Des journalistes du monde entier étaient venus en témoigner. Mais tout cela est faux, selon Oszkar Juhasz : « Il n'y a jamais eu de milices d'extrême droite ici ». Et quand on lui tend les articles de presse français, il s'emporte : « La liberté de la presse est une grande chose, qui permet à n'importe qui de raconter n'importe quoi ! S'il y a eu quelques hommes pour surveiller les tsiganes, ils n'étaient pas liés au Jobbik et n'avaient pas d'équipements militaires, comme les journalistes menteurs l'ont raconté ».

Puis il mime le geste d'une piqure qu'on lui enfoncerait dans le bras, avant d'expliquer, le plus sérieusement du monde : « Les journalistes sont des gens qui se droguent ».

 

 

Sur l'actualité hongroise, ne pas hésiter à consulter le site www.hu-lala.org/

 

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