Cool Britannia ?

Le Lot en Action n°70 (12 avril 2013), par Thyeff. Mis en ligne le 14 mai 2013.

Ce qui est bien avec les Anglais, c'est qu'ils sont pragmatiques et très efficaces.

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Si de surcroît, ils sont ultra-libéraux et ultra-conservateurs, leur pragmatisme peut atteindre des sommets inégalés. Monsieur David Cameron, qui peut se targuer de cumuler brillamment les deux épithètes, est d'une fidélité absolue à ces grands principes, appris sur les bancs d'Eton et d'Oxford, ou lors des beuveries destructrices avec ses copains friqués de la haute bourgeoisie anglaise du sulfureux Bullington Club. Mr David, en tant que libéral, n'aime pas le chômage, mais en tant que conservateur, il déteste encore plus l'assistanat. Comme il est pragmatique, pour lutter contre le chômage, il a décidé de s'en prendre aux chômeurs, il fallait y penser. Afin de les empêcher de tomber dans l'assistanat tant détesté, il a eu la bonne idée d'appliquer les bonnes vieilles méthodes qui avaient cours à l'époque victorienne, grâce auxquelles ses ancêtres firent fortune. Comme par exemple pas de penny sans travail en échange. Ainsi, Monsieur Cameron, aidé de son ministre du travail Ian Duncan Smith, a mis en place en 2010, des « programmes de réinsertion », dignes d'un Oliver Twist. Pour conserver leur allocation de 65 euros par semaine, les chômeurs sont sommés par leur Pôle Emploi local, d'effectuer un « stage » non rémunéré dans des organismes communautaires ou dans les rayons de grandes enseignes privées, jusqu'à 30 heures par semaine pendant un mois. À ceux qui refusent, on coupe les vivres pendant 6 mois.
cool-britania-1.jpgBien entendu, ces emplois rarement qualifiés, ne sont pas pérennisés et le taux de réembauche est quasi nul, ainsi que l'ont prouvé différentes études. Pourtant, Monsieur Cameron persiste et signe, en expliquant, avec sa jolie bouche en fleur, que ce programme est un moyen pour les chômeurs de « réparer leurs vies brisées et de stimuler l'estime de soi », tout en ajoutant, cette fois dents serrées, que les chômeurs doivent bien comprendre que désormais ils ne peuvent plus « jouer avec le système ». Avant d'éluder d'un revers de main avec sa petite moue « so british », que ce programme permet en revanche aux employeurs de jouer, eux, avec le système, en exploitant à l'infini une main-d'œuvre abondante et gratuite, comme au bon vieux temps de l'esclavage.

Oui mais voilà : deux chômeurs, Cait Reilly et Jamieson Wilson, se sont élevés contre cette politique coercitive qui punit et exploite les chômeurs au lieu de les aider. L'une et l'autre, obligés d'aller travailler gratuitement dans un supermarché sous peine de voir leurs allocations suspendues, ont refusé ce chantage, osé porter plainte et gagné leur procès contre l'État britannique. Après plus d'une année de procédure, la Cour d'appel leur a donné raison, jugeant illégale cette méthode de « réinsertion dans le travail ».

Le ministère de l'Emploi est donc prié de revoir sa copie et de se mettre en conformité avec le droit. En attendant, les chômeurs peuvent dès à présent refuser ces « stages » sans être sanctionnés, tandis que ceux qui les ont refusés et à qui on a coupé les vivres peuvent réclamer leur dû rétroactivement.

cool-britania-2.jpgMais que se passe t-il au beau pays de la Queen, dont le bon peuple a suivi avec ferveur son triomphal jubilé *? Après le rejet par le Parlement de ses projets de régulation de la presse et de redécoupage électoral, encore un camouflet pour ce cher gros poupon de Cameron. Connaîtrait-il son Titanic ? Que la vie est injuste, quand on pense à tout le mal qu'il s'est donné : exploitation, précarité et pauvreté pour plus de 10 millions de personnes, tandis que les banques de la City sont florissantes et que le tapis rouge est déroulé pour tous ces bons Frenchies ultra-libéraux, qui en ont assez de payer des taxes au pays des vilains sans-culottes.

Décidément, ces méchants juges, de part et d'autre de la Manche, ne font rien pour se faire aimer de ces gentils capitalistes...

* Lien internet : très intéressant papier du Figaro( ! ) sur le traitement réservé aux chômeurs anglais durant le jubilé royal. Comme quoi, il ne faut jamais désespérer : http://cli.gs/8dy3ek2


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