En attendant la sentence ...
Tout frêle et si fort à la fois
Introduction de l'article (par BAR)
Bradley Manning est un prisonnier politique USaméricain, ce n'est ni le premier, ni le dernier.
L'administration Obama est tout aussi lâche, hargneuse, et a autant peur de la vérité et du peuple que toutes celles qui l'ont précédée. Dans la mesure où l'administration Obama perpétue la tradition d'enfermer de nouveaux prisonniers politiques, nous devons développer la tradition de communiquer avec nos communautés, de les soutenir et de les informer, et de militer pour que tous les prisonniers politiques des Etats-Unis soient amnistiés.
Bradley Manning: un nouveau prisonnier politique, la routine aux Etats-Unis
Cette semaine, une juge militaire a déclaré le soldat Bradley Manning coupable d'espionnage et d'autres délits. Le soldat Manning avait reconnu avoir transmis 700.000 câbles diplomatiques et d'autres documents - parmi lesquels une vidéo de soldats US assoiffés de sang en train d'assassiner plus d'une dizaine d'Irakiens innocents pour avoir commis le crime de se retrouver au coin d'une rue - à Wikileaks, un organe de presse international légitime connu pour avoir révélé les méfaits de grands groupes privés et de gouvernements sur les six continents.
Manning a témoigné en audience publique qu'il a fait cela parce qu'il estimait que les Américains et les populations de la planète avaient le droit de savoir ce qu'on faisait en leur nom, et, dans certains cas, ce qu'on leur faisait subir à eux.
La juge militaire a acquitté Manning du chef d'accusation le plus grave que l'administration Obama ait retenu contre lui, la "collusion avec l'ennemi,” qui est passible de la peine de mort. Manning, qui a déjà passé deux années terribles en cellule d'isolement, risque actuellement l'enterrement dans le goulag fédéral pendant deux, trois ou quatre décennies, dans des conditions qui seraient considérées comme de la torture dans toute juridiction civilisée de la planète. Son tribunal militaire de pacotille n'en a pas encore terminé. Les procureurs vont ensuite présenter les preuves bidon du tort qui a été causé par son prétendu "espionnage", afin de s'assurer qu'il écopera de la peine la plus longue possible dans les conditions les plus terribles qu'on puisse imaginer.
Mais le terme d'"espionnage" s'applique quand il s'agit de l'acte d'espionner pour des intérêts étrangers, comme pour le compte d'une compagnie cupide et prédatrice ou d'une puissance étrangère. Il est clair que le soldat Manning a agi dans l'intérêt public. Les documents qu'il a rendus publics révèlent un abîme de traitrises, de mensonges, de crimes et de meurtres abominables commis par les hauts responsables militaires et civils des Etats-Unis.
De toute évidence, l'administration Obama, tout comme celles qui l'ont précédée, est farouchement déterminée à balayer sous le tapis les crimes du passé, à en commettre d'autres sur leurs fondations, et à léguer à leurs successeurs des groupes privés et des gouvernements la possibilité d'en faire de même.
Bradley Manning est peut-être le tout premier prisonnier politique du président Obama. Il est le prisonnier non consentant et improbable de l'état-policier, état-prison et état-surveillance le plus important de la planète, dans la lignée de Mumia Abu Jamal, de Jamil Al Amin, de Leonard Peltier, de Romaine “Chip” Fitzgerald, des Cinq de Cuba, d'Oscar Lopez Rivera, de Russell “Maroon” Shoatz et de beaucoup, beaucoup, beaucoup d'autres.
Les prisonniers politiques US actuels sont les représentants de toute une panoplie d'opposants, depuis les anciens Black Panthers, les indépendantistes portoricains, aux fers depuis des dizaines d'années, jusqu'aux dernières victimes de coups montés: les écologistes, les lanceurs d'alerte contre le gouvernement, et ceux qui dénoncent les pratiques dangereuses et barbares dans l'agriculture et la transformation alimentaire.
Comme tous ceux qui font partie des classes dirigeantes aux Etats-Unis, l'administration Obama craint la vérité, craint la justice et craint, par-dessus tout, le peuple. Ils refusent de relâcher un seul prisonnier politique, et sont déterminés à enterrer vivantes autant de nouvelles recrues qu'il faudra pour poursuivre leur folie meurtrière.
Même actuellement, dans les prisons des états et les prisons fédérales du pays, ceux qu'on appelait autrefois des prisonniers de droit commun deviennent des prisonniers politiques, confinés à l'isolement pendant des années d'affilée, accusés d'avoir en leur possession ce que l'administration pénitentiaire ignare juge être de la documentation de politique radicale, ou d'avoir prononcé de simples noms, comme ceux de Huey Newton ou de George Jackson. Et c'est ainsi que les derniers lambeaux de la légitimité supposée de l'état-prison tombent sous nos yeux.
Si la tâche de l'administration Obama est d'enfermer davantage de prisonniers politiques, alors, notre tâche est également évidente. Nous devons en discuter dans nos paroisses, sur nos lieux de travail et dans nos communautés pour organiser des actions locales et nationales afin de correspondre avec les prisonniers politiques, les soutenir et exiger qu'il soient amnistiés et libérés.
Et on peut déjà commencer par ceci: le Jericho Movement.
Bruce A. Dixon Bruce Dixon est directeur de la rédaction du site Black Agenda Report et est membre du Green Party.
Ecouter le texte en anglais
Notes complémentaires
Mumia Abu Jamal, 59 ans, condamné à la peine de mort en 1982, accusé du meurtre d'un policier. Peine commuée en peine de prison à perpétuité sans possibilité de liberté conditionnelle. Il a déjà passé plus de 30 ans en prison.
Jamil Al Amin : engagé dans le Mouvement pour les Droits civiques dans les années 60. Puis, membre du Black Panther Party.
En 2000, un adjoint du chef de la police était tué par balle, un autre blessé devant le magasin que tenait Al Amin. Celui-ci, accusé du meurtre, était condamné à perpétuité (ceci n'est qu'un vague résumé, les événements sont beaucoup plus complexes: lire ici
Leonard Peltier, autochtone USaméricain, en prison depuis 1967. Voir ici son parcours
Romaine “Chip” Fitzgerald
C'est un gars.
En prison depuis 1969, c'est le membre des BP qui a accompli la plus longue peine. Il est entré à l'âge de 20 ans, a été condamné à mort, puis sa peine a été commuée en prison à perpétuité au début des années 1970. Accusé du meurtre d'un vigile et de tentative de meurtre sur un policier. Il a déjà passé plus de 40 ans en prison, en grande partie en isolement cellulaire.
Les Cinq de Cuba.
Voici un compte-rendu très complet.
Depuis, René Gonzales a pu rejoindre Cuba, [non sans de dernières vexations |http://www.humanite.fr/monde/l-un-des-cinq-de-miami-libre-cuba-538022 ]
Oscar Lopez Rivera
Militant indépendantiste portoricain en prison depuis 32 ans, accusé (sans preuves tangibles, est-il besoin de le préciser) d'appartenir à une organisation terroriste.
Russell “Maroon” Shoatz
Est resté à l'isolement pendant 22 ans d'affilée, n'a passé que 18 mois dans une prison générale sur les 30 ans d'incarcération.
La raison invoquée par l'administration pénitentiaire: il risquerait de s'évader, sous prétexte que trente ans plus tôt, il avait réussi à le faire. Or, aujourd'hui, il a près de 70 ans. Les chances d'évasion doivent être bien minces. Non?
Et
Huey P. Newton
Co-fondateur du BPP (oct. 1966). Accusé d'avoir tué un policier.
Assassiné en août 1989 par Tyrone Robinson, un dealer.
George Jackson
En prison à 18 ans pour une période allant de 1 an à la perpétuité pour avoir volé 70 dollars, il y avait passé 11 ans, en août 1971, quand il a été descendu par des gardiens.
A la suite de la mort de G. Jackson, une mutinerie s’organise à la prison d’Attica, à New-York, qui inspirera à Archie Shepp, saxophoniste engagé, l'album "Attica Blues". Ecouter
En l'espace de six ans, 24 Black Panthers ont été tués lors de fusillades avec la police, qui ne cessait de les harceler et de les provoquer.
Les meurtres dont sont accusés les militants des BP sont tous sujets à caution.
L'acharnement de la police, de la justice et de l'administration pénitentiaire contre les militants noirs, indiens ou latinos est manifeste.
Les militants de ce mouvement seront sans cesse harcelés, traqués, emprisonnés, parfois à la suite de coups montés, ou assassinés.
Le mouvement des Black Panthers sera, ainsi, décimé en peu de temps.
Parmi les autres prisonniers politiques, citons les Angola 3,
Herman Wallace et Albert Woodfox, qui ont passé plus de 41 ans en cellule d'isolement, et Robert King, qui a été libéré en 2001 au bout de 29 ans d'isolement cellulaire.
En juin dernier, on apprenait que Wallace, 72 ans, était atteint d'un cancer du foie, or, malgré une perte de poids alarmante en l'espace de 6 mois, l'administration n'avait rien fait pour le sortir de sa cellule et rien pour lui permettre de suivre un traitement.
Grâce à une énorme mobilisation, il a été aujourd'hui, transféré à l'hôpital de la prison.
Les Black Panthers et autres contestataires en prison.
Il y a aussi des prisonnières politiques.
Et, n'oublions pas non plus les prisonniers de Guantanamo.
Des prisonniers, rappelons-le, parmi lesquels beaucoup sont soit libérables, soit n'ont été inculpés d'aucun chef d'accusation.
Obama annonce régulièrement qu'il compte faire fermer la prison, puis plus rien. Il a déclaré récemment qu'il ne voulait pas laisser mourir les prisonniers, en grève de la faim depuis des mois, que c'était cruel, qu'il fallait faire quelque chose, qu'il allait essayer de les faire transférer dans d'autres prisons, blablabla …
Alors, pour éviter qu'ils ne meurent de faim, ils sont alimentés de force, un traitement qui relève également de la torture. (attention, la vidéo est très dure).
Apparemment, cela choque moins Obama. Le syndrome Bobby Sand, probablement.
Mais aussi :
Il y a environ 2500 prisonniers de 17 prisons de Californie qui sont actuellement en grève de la faim pour protester contre les mauvais traitements qu'ils subissent, dont l'isolement cellulaire au moindre prétexte.
Conclusion: ce sont les dirigeants de ce pays intolérant et barbare, où se trouve ¼ de la population carcérale mondiale (alors qu'ils ne représentent que 5% de la pop. mondiale), avec près de 50% de Noirs (13% de la population US) qui prétendent s'en aller dans le monde pour jouer les redresseurs de tort et leur expliquer ce que Droits Humains veut dire.
Mais que font nos dirigeants à nous? Ils cautionnent ces crimes contre l'humanité.
Pire, ils y participent activement.
Ce sont des lâches et des criminels.
Ils sont méprisables.
Et ceux qui se taisent, ou pire, qui disent que les Manning et les Snowden n'avaient qu'à s'occuper de leurs affaires, le sont tout autant.