Alain Dubois, Un biologiste contre le nucléaire

Mille Babords, le 13 Février 2012 par Aurore Lami (mis en ligne par Marie)

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Extrait de la préface de Jacques Testard :

DES ATOMES ET DES HOMMES

Le nucléaire, avec ses bombes, ses centrales et ses radiations, serait une affaire de physiciens. Un peu comme la cellule, avec son ADN, ses clones et ses mutants, serait une affaire de biologistes. Alors, pourquoi un biologiste, par ailleurs écrivain et moraliste, s’est-il placé en tête de la bataille contre le nucléaire dans l’après deuxième guerre mondiale, alors que la fission provoquée de la matière venait de tuer des centaines de milliers de Japonais, là-bas, très loin, et qu’on préparait un « nucléaire de paix » grâce à la même énergie de mort prétendument enfermée dans des usines à énergie ? Et pourquoi un biologiste du XXI° siècle, Alain Dubois, expert en tritons au Muséum d’histoire naturelle, se lance t-il avec cet ouvrage dans une évocation de la mémoire de Jean Rostand l’antinucléaire et dans un plaidoyer pour relancer son combat ? Et pourquoi un troisième biologiste, votre serviteur, spécialiste de la procréation naturelle et assistée, vient-il en renfort de ses collègues pour enfoncer le clou par cette modeste préface ?

C’est que l’affaire est bien plus grave que ne le laisse croire le bilan de toutes ces catastrophes, volontaires quand les militaires les ont décidées, accidentelles quand les industriels n’ont pas su les prévenir. Pourtant les décomptes les plus honnêtes sont déjà terribles : 400 000 morts pour Hiroshima- Nagasaki, plus d’un million pour Tchernobyl, auxquels il faut ajouter ceux de Fukushima mais aussi ceux plus anciens et complètement oubliés survenus en Union soviétique, ceux des essais nucléaires (Jean Rostand décomptait 315 explosions atomiques en 1962), ceux des travailleurs des centrales et des « liquidateurs »…

Mais le nucléaire se pare de la banalité du mal si on ne fait que décompter des morts, mesurer des territoires abandonnés, évaluer des coûts de réparation, même si on ajoute à ce sombre tableau les innombrables victimes handicapées, comme il arrive dans tous les crimes guerriers. C’est que, mise au service de la guerre ou de la production énergétique, la fission de l’atome peut tuer dans la violence des guerres ou des catastrophes mais elle tue aussi lentement ou pollue durablement les êtres vivants par les radiations qu’elle génère, sans qu’on soit encore capables d’évaluer le degré de ces atteintes, essentiellement faute de chercher sérieusement à le savoir.

Les partisans du nucléaire ont défini un seuil de radiations qui permettrait de « coexister » avec cette industrie. Il n’y a aucun seuil de radiation tolérable si on veut préserver la santé des êtres vivants car toute nouvelle contamination, serait-ce à dose infinitésimale, vient se cumuler avec les contaminations antérieures pour produire des altérations physiologiques et surtout créer une situation propice à des mutations du génome.Le parallèle avec les plantes génétiquement modifiées (PGM) est frappant : là aussi un seuil artificiel (0,9% de contamination dans les aliments) a été défini et, comme les plantes modifiées sont toujours susceptibles d’infiltrer la sphère biologique, on a poussé l’hypocrisie jusqu’à définir des règles de bonnes pratiques, dites « de coexistence », qui bloqueraient les transgènes (ces constructions génétiques introduites dans la PGM) à l’orée du champ, tout comme le nuage de Tchernobyl a été bloqué à nos frontières…L’arbitraire (et donc la non scientificité) de tels seuils est révélé quand, après la catastrophe de Fukushima, la « dose maximum admissible » de radioactivité a été relevée de 1 à 20 mSv pour les écoliers, et à 250 mSv pour les liquidateurs, malgré les protestations de la population locale. Pour démontrer les effets mutagènes du nucléaire Jean Rostand postulait qu’il faudrait voir les gènes et c’est une des fonctions qu’il donnait à son Institut de la Vie organisme savant pour gérer le devenir du vivant et protéger les hommes des périls naturels, militaires ou industriels.Depuis les mises en garde dramatiques de Jean Rostand, dont on trouvera beaucoup d’exemples dans les textes choisis par Alain Dubois, le péril génétique du nucléaire est mis en veilleuse, y compris par les militants anti nucléaires qui se focalisent plutôt sur les accidents violents qui surviennent irrémédiablement.

Certains s’étonneront, ou même s’amuseront , de la proposition faite par Jean Rostand de constituer des banques de sperme afin de parer à la détérioration du génome humain. Bien sûr, il le pense sans enthousiasme et s’explique : « A menace inhumaine, précaution inhumaine »…mais l’énoncé d’une telle mesure montre à quel degré d’inquiétude pour l’espèce est parvenu le biologiste ! Le déni du risque mutagène par les radiations fait, bien sûr, partie de la désinformation organisée par l’industrie nucléaire. Il est plus surprenant que les militants antinucléaires négligent cet aspect essentiel qui devrait aider leur combat dans l’opinion. Et aussi que l’autorité administrative indépendante chargée des activités nucléaires civiles (ASN) produise un dépliant informatif remarquable mais d’où sont absents les mots gènes, mutation, risque génétique…

Il devient urgent de relire Jean Rostand !

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